Jeu-concours de Noël

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Jouez et gagnez un livre de Mo Yan, prix Nobel de Littérature 2012, comprenant 2 nouvelles: “Le Veau” et “Le Coureur de fond”, pour une bonne bouffée d’humour vache et de tendresse, en ces rudes soirées d’hiver!

Comment participer? Simplement en likant la page Facebook Meinu et en répondant à cette question: de quelle province de Chine est originaire Mo Yan?

Le / la gagnant(e) sera déterminé(e) au sort le 11 décembre 2012.

Et pour vous mettre l’eau à la bouche, rien de tel qu’un petit extrait hilarant du “Coureur de fond”:

Le ramassage de fiente de poulets

“Ce Qian Mandun était détesté à mort par les élèves de l’école élémentaire de Dayanglan. C’est lui qui avait proposé quelques années plus tôt de lancer le mouvement de ramassage de fiente de poulet. Il avait lu dans je ne sais quel journal que les déjections de poulet étaient riches en azote, phosphore, potassium et vitamines, plus divers minéraux, et qu’elles étaient par conséquent non seulement le meilleur des engrais au monde, mais aussi le meilleur aliment pour animaux. Il disait que si on en avait en quantité suffisante on pourrait en extraire de l’or, ou bien du radium, qui avait été découvert par la célèbre Française Mme Curie, et même de l’uranium pour faire une bombe atomique. Il ajoutait qu’à l’étranger on fabriquait un pain complet très nourrissant et très cher dans lequel était ajoutée de la quintessence de fiente de poulet. Devant de tels arguments, notre directeur d’école, fantoche et invertébré, avait donné l’ordre de lancer une campagne de collecte. M. Qian avait alors indiqué qu’il avait déjà pris contact avec l’élevage de porcs du district, lequel était preneur de toute la fiente que nous pourrions lui fournir. Lors de l’assemblée générale de l’école, le vieux Qian avait dit qu’ils avaient fait une expérience, et que les porcs aimaient autant la fiente de poulet que les élèves de l’école primaire aimaient les raviolis. Pour chaque livre de fiente ingérée, les cochons engraissaient d’une demi-livre: collecter une livre de fiente revenait donc à produire pour le pays une demi-livre de viande de porc. En outre, les excréments des porcs pouvaient servir à nourrir les poulets, dont la fiente nourrissait les porcs en retour, cela faisait un cycle sans fin, le Grand Cycle de la merde de poulet et de porc.

Le directeur de l’école avait assigné un objectif à chaque classe, dans laquelle fut désigné un responsable. Ce responsable répartit la tâche entre les équipes, qui fixèrent celle de chaque élève. Je faisais alors partie de la quatrième équipe de la classe numéro 2 du cours élémentaire, et l’objectif qui me fut assigné était de ramasser en un mois trente livres de fiente. Cela faisait en moyenne une livre par jour, ce qui n’avait pas l’air si terrible, mais quand il fallut passer à l’acte, je trouvai que c’était très dur. Si j’avais été le seul de l’école à en ramasser, j’aurais fait mes cinq livres par jour sans peine. Le problème était que les quelques centaines d’élèves de l’école s’y mettaient tous, les professeurs aussi, et le nombre de poulets dans le village étant limité, où pouvions-nous trouver autant de fiente? Quelqu’un suggéra d’aller en chercher dans les villages voisins. Mais notre école était l’établissement commun à ces villages. Comme les élèves se battaient pour de la fiente de poulet, une rumeur apparut immédiatement, selon laquelle l’État achetait cette fiente pour l’exporter, une livre de fiente pouvait être échangée contre dix livres de riz, et du coup tout le monde se mit à en ramasser. M. Zhu avait dessiné une fourche et un seau spécialement pour cet usage, nous laissant le soin de les fabriquer, si nous n’y arrivions pas, nous n’aurions qu’à demander à nos parents. Pendant un temps on vit donc souvent, dans la dizaine de villages des environs, des élèves armés d’une fourche et d’un seau. Ceux qui élevaient des poulets en récupéraient naturellement toute la fiente. Nous pourchassions les poulets qui ne chiaient pas, qui s’enfuyaient en piaillant jusque dans les arbres et, lorsque l’un d’eux se mettait enfin à chier, gracieusement, on pouvait être sûr qu’un essaim d’écoliers se ruait dessus. Il y avait souvent des bagarres violentes pour une fiente, il y eut parfois des blessés à la tête.

Au début nous utilisions les outils conçus par M. Zhu, ramassant gentiment la fiente avec les fourches et seaux fabriqués par nos parents, mais après, on la ramassait à la main, c’était le seul moyen pour ramasser avant les autres une fiente fraîche. Le plus détestable pendant cette période, c’est que les poulets faisaient tous une fiente jaunâtre puante et collante, comme s’ils voulaient nous emmerder exprès. (…)

Il était en fait impossible d’atteindre les objectifs fixés par l’école et du coup nous nous faisions gronder. Pour y échapper, il fallait trouver une méthode pour falsifier les résultats, par exemple mélanger à la fiente de poulet des crottes de chien. Ce que nous faisions, mais le père Qian nous découvrait chaque fois. Il avait une balance, et devant la porte du bureau du directeur, le visage impassible, le regard sévère, il nous attendait, pareil à ces images de propriétaires fonciers percevant leur loyer que nous avions vues dans une exposition éducative sur la lutte des classes. Nous arrivions avec nos seaux de fiente et faisions la queue pour la pesée. La plupart d’entre nous avaient les genoux qui tremblaient.”

Editions du Seuil

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6 Comments

  1. Aurélien Flament on

    Je participe.
    Mo Yan est né dans la province du Shandong.
    Page likée (flament.aurelien)
    Merci pour ce concours.
    Bonne soirée

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